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← articles plus anciens 22 septembre 2012 , par frédéric potet une année en france, deuxième saison lancée par le monde et lemonde.fr en juin 2011, l’opération une année en france a pris fin avant l’été, au lendemain des élections présidentielle et législatives. vous avez été très nombreux à suivre et commenter l’immersion de huit reporteurs/blogueurs, partis « prendre le pouls » du pays pendant douze mois dans autant de communes françaises : avallon, dunkerque,la courneuve, mézères, montpellier, saint-pierre-des-corps, sceaux et sucy-en-brie. © antonin sabot/lemonde.fr alors qu’un livre – une année formidable ! en france (éd. des arènes) – et qu’un web-documentaire ont été tirés de cette expérience, notre projet se prolonge aujourd’hui sous la forme d’un blog unique et collectif tout simplement appelé une année en france . ouvert aux rédactions papiers et web du monde, ce blog s’est donné pour objectif de parler de la crise et des mutations qui en découlent, tout en faisant la part belle aux reportages et aux portraits. bonne continuation en notre compagnie. publié dans non classé | laisser un commentaire 25 juin 2012 le rigodon final « 36 000 communes en france et il a fallu que ça tombe sur nous ! » christian hutin, le député et maire de saint-pol-sur-mer, a attendu le 14 juillet pour me raconter son premier sentiment à l’annonce de notre venue. c’était il y a presque un an. « la ville est en train de redresser et voilà que le monde vient braquer ses projecteurs sur nous… » , regrette-t-il presque dans les coulisses de la salle romain-rolland. près de 1800 personnes sont venues de toute l’agglomération dunkerquoise entendre cock robin, cadeau de la municipalité pour la fête nationale. en première partie de ce groupe phare des années 80, une artiste reprend un titre de zaz et chante : « oubliez donc tous vos clichés, bienvenue dans ma réalité… » christian hutin n’est sans doute pas mécontent qu’on se penche d’un peu plus près sur sa commune mais on le devine tout de même un peu inquiet. « ici, on a une mentalité de village, ce n’est pas une banlieue où l’on brûle des voitures… » ses administrés ont déjà eu à plusieurs reprises des mauvaises expériences avec des médias venus trouver ici en quelques heures les stéréotypes qu’ils étaient venus chercher… au téléphone, quelques jours plus tôt, alors que je lui demandais s’il serait envisageable d’assister à une de ses permanences parlementaires, il m’avait répondu que ses permanences, c’était son cabinet de médecin, où il continue d’exercer deux demi-journées par semaine et que par principe, il se méfiait de tout « misérabilisme » . saint-pol en juillet 2011 © f.b mon année à saint-pol-sur-mer a débuté quelques jours plus tôt, par un après-midi saturé de lumière et de vent, sur la place devant la mairie, à côté du kiosque à musique. des parents déposent leurs enfants au bus qui va les emmener en colonie de vacances. quelques cris de mouettes signalent la proximité de la mer, pourtant invisible. c’est le début de l’été. et pour l’instant, les façades des immeubles ne sont pour moi qu’un décor de briques. cette ville, je l’ai choisie sur plan, à distance, comme on choisit sa maison. cela aurait pu être petite-synthe ou grande-synthe… c’est saint-pol, un « village » de 22 000 habitants. un fort passé ouvrier et un terrain de rencontres bien délimité : d’un côté les usines, de l’autre, les voies rapides, les voies de chemin de fer et les canaux. au fil des rencontres, cela s’imposera comme une évidence : saint-pol est une ville où l’on est généralement heureux d’habiter. les plus de 50 ans se souviennent bien sûr de leur enfance comme d’une époque où la ville était plus vivante, plus commerçante, où leurs parents trouvaient facilement du travail au port, à la sncf ou à l’usine. cet âge d’or de l’industrie ne reviendra plus, les saint-polois en sont globalement convaincus. depuis la digue du braek en novembre © f.b aujourd’hui on espère juste que les entreprises qui sont encore là, au premier rang desquelles arcelormittal, ne ferment pas à leur tour, comme la raffinerie total en 2010 . et au premier tour de l’élection présidentielle, on vote à 30% pour le front national , comme on tirerait la sonnette d’alarme auprès de politiques dont on estime qu’ils ont abandonné le territoire. en arrivant ici, j’avais un souhait : raconter avec honnêteté et respect aussi bien les galères que les joies des personnes rencontrées. sur le blog, le procès d’intention n’a pourtant pas tardé. le 12 juillet, à peine publié, le premier post reçoit une volée de commentaires acerbes. « article lamentable. pour qui nous prenez-vous ? dunkerquoise d’origine je suis scandalisée par vos propos » , ou « quel article minable !! on a encore le droit à l’éternel refrain du nord de la misère et du désespoir. et qu’est ce que c’est que cette histoire de couche de poussière noire ?? on rêve ou quoi ? » , et encore : « vraiment un article de piètre qualité et mis en image avec un choix délibéré de mépris. » au risque de la mauvaise foi, les gens du nord veillent. me voilà prévenu. au mois d'avril.© f.b sur le terrain, quand on me croise, carnet et stylo à la main, on lance parfois : « vous êtes le phare ? » , « euh non, le monde… » il faut dire qu’à saint-pol, si les posts de blog circulent très vite via facebook, seuls quelques exemplaires du quotidien sont disponibles aux maisons de la presse de la galerie marchande de carrefour et de la rue de la république. le magazine le nouveau détective paraît davantage convoité : il a tellement été volé dans une des maisons de la presse qu’il faut désormais le demander en caisse, signale une affichette sur le présentoir. oui, nous avons sans doute dû un peu bousculer la vie de certains dunkerquois ou saint-polois. les commentaires laissés par les internautes sous certains portraits sont parfois bien acides. qu’ont pensé romain, mathieu et stanislas à la lecture des dizaines de commentaires jugeant leurs parcours scolaires et professionnels ? comment a réagi « marcel » en découvrant comment les raisons de son vote fn étaient perçues ? pour nous, ce sont des interlocuteurs que nous avons croisés et recroisés tout au long de nos séjours. ils nous ont fait confiance en nous ouvrant la porte de leur maison, en acceptant que leurs soucis ou leurs convictions politiques soient exposés au grand jour. la bande de saint-pol © f.b cette générosité dont ils ont fait preuve, nous la devons en partie au temps dont nous avons pu disposer pour pouvoir s’immerger dans la durée. de la même manière, cette immersion nous a plongés dans la vie locale : acheter le phare le mercredi, courir sur la digue de malo, aller faire ses courses au supermarché du coin… et puis vivre le carnaval, au-delà d’un reportage ponctuel. travailler affublé d’une perruque orange et d’un chapeau léopard n’est pas une expérience ordinaire pour un journaliste. autoportrait en février 2012 © f.b a l’heure de fermer boutique, de faire nos adieux à nos interlocuteurs, nous pourrions regretter ces reportages que nous n’avons pas eu l’autorisation de faire (la visite d’ arcelormittal ou des docks par exemple), mais aussi garder en tête des images et des lumières. la digue du break et son interminable ruban de bitume entre la mer et les haut-fourneaux d’arcelor. le brouillard du 11 novembre, à chercher dans un no man’s land entre la ville et les usines le point septentrional de la méridienne verte . l’hymne à co-pinard dans un kursaal bondé le soir du bal des corsaires . le même kursaal trois mois plus tard, où un écran géant diffusait les images d’un nouveau président . la douce lumière un soir de juin dans un jardin de la cité des cheminots, à regarder les pigeons sarkozy et gros macot se poser sur le toit. il y eut aussi toutes ces journées à pester contre le vent et la pluie tandis que le confrère montpelliérain travaillait en t-shirt. consolation : les couchers de soleil flamboyant sur la digue, lui ne les avait pas eus. la digue de malo en avril